Une aventure nordique
Le moins que l’on puisse dire c’est que j’attendais ce voyage ! Interdit ! L’endroit était tout simplement interdit aux étrangers à cause de ce maudit virus. Pourtant c’est un pays que j’affectionne particulièrement : La Norvège.
Je connais sa partie méridionale pour l’avoir déjà parcourue en partie et même y avoir pris quelques truites. Le Nord en revanche, m’est tout à fait inconnu. Le voyage de l’an dernier en Laponie Suédoise me donne un aperçu du climat et des spécificités de la pêches sous ces mêmes latitudes, mais la Norvège reste à part, y compris dans cette partie. Je me rends approximativement au niveau du cercle polaire. A cette saison, le soleil ne se couche pratiquement pas. Cela contraste avec les couchers de soleil à 15h00 du mois de novembre dernier lors des vacances familiales en Finlande. Il est d’ailleurs notable qu’en moins de 12 mois je me serais rendu par trois fois au-dessus du cercle polaire, pas toujours pour la pêche mais c’est une fréquence qui confine à l’adoration.
Le voyage est prévu sur huit jours et prévoit plusieurs lieux de pêche préalablement sélectionnés. J’ai passé un temps important à tenter de trouver des secteurs intéressants et suffisamment reculés pour être d’un grand intérêt halieutique. Il est même prévu que je tente ma chance dans les rivières à Saumon des environs. Le succès de ce type de pêche est toujours incertain car les Saumons sont des poissons très imprévisibles et difficiles. Il n’est d’ailleurs pas certain que la saison s’y prête. Je passais toutefois pas mal de temps devant mon étau à fabriquer mes premières mouches à Saumon.
Contrairement à l’habitude lorsqu’il s’agit d’un début en montage, le résultat me parait satisfaisant. La confection de mouche me parait interminable et le résultat invariablement mauvais. Suis-je devenu bon en montage de mouche ? Cela me parait hautement improbable et la raison est plus à chercher dans la simplicité de montage de ces mouches sur des gros hameçons. Je n’ai rien des qualités d’un bon orfèvre et monter des tas de poils sur des hameçons doubles, gros comme mon pouce est un exercice qui me convient mieux que fignoler des petites mouches. Quant à connaitre leur efficacité, ce séjour me permettra de la mesurer. Peut-être que les Saumons seront boudeurs mais il reste les truites de mer qui, d’après mes lectures, semblent un peu plus abordables tout en restant de formidables poissons de sport.
Ce n’est rien moins que mes débuts dans cette approche. Allez comprendre pourquoi, je ne me suis jamais vraiment focalisé sur ces techniques qui apportent cependant des poissons trophées. Le verrou psychologique semble avoir sauté et je m’apprête à tenter cette chance.
BODØ, prononcez Bouhdâ est ma destination finale pour ce voyage. En passant par Oslo, c’est un voyage qui prend plus d’une journée. Arrivé sur place, c’est la canicule. Il fait environ 30°, ce qui pour des régions polaires, est exceptionnel ! Je suis d’ailleurs surpris de ne trouver aucun journaliste sur place pour interviewer les passants sur les effets ravageurs du réchauffement climatique. Sûrement que des actualités plus cruciales sont à traiter et pas une trace d’un camion de BFM TV.
Traité ou non par les infos-éboueurs de la télévision, la chaleur est assez surprenante. J’avais en tête le temps qu’il faisait lors de ma sortie précédente en Suède et pensait à une fraicheur, parfois vive et humide, et n’avait prévu que des vêtements relativement chauds. Pas un seul short ou t-shirt ne fait partie de ma panoplie du pêcheur polaire…
Première partie
C’est un samedi matin, après une nuit dans une chambre d’hôte, que je m’orientais vers le premier secteur de pêche. Le temps est radieux, la température à 8h du matin est de 20°, les vacances commencent.
La première direction prise est Fauske, une région à environ 50km de mon point de départ. On y trouve quelques lacs, des rivières dans le fond du Fjord de Bodo. Dans un premier temps le secteur visé est une vallée enclavée où l’on ne trouve qu’une demi-douzaine de chalets. Après inspection sur les lieux et dans la ville de Fauske, cette destination n’est atteignable qu’en bateau. A pied, c’est certes faisable, mais il faut gravir plus de 800m de dénivelé dans des conditions difficiles, avec tourbières et possibles éboulis. Je renonce et me reporte sur un lac d’un accès bien plus facile.
Mon idée, est de monter le campement au lac et de rayonner autour. Il ne se situe qu’à une heure de marche et propose même un accès potentiel à la vallée convoitée.
Une fois le campement monté, la pêche peut démarrer. En premier lieu, la décision est prise de remonter la rivière alimentant le lac. Canne en main, je suis le cours de la rivière jusqu’à une altitude assez élevée et n’aurait pour tout résultat que 2 petites truites. Certaines portions sont carrément vides de poissons.
C’est un phénomène que j’avais déjà remarqué lors de ma première excursion en Norvège, les truites sont tout à fait absentes de certains lieux.
Le soir même, en pêchant sur le lac qui me rapportera quelques truites supplémentaires, je prends le parti d’aller explorer l’ouest de Fauske. D’après les infos dont je dispose que je peux recouper avec l’application UT.no ce secteur semble prometteur.
L'endroit est plutot joli mais les truites ne sont pas très nombreuses.
Dès le lendemain matin, dimanche, le campement est démonté, la descente effectuée, et je m’oriente vers ce côté ouest. La montée est un peu plus difficile et plus longue mais reste abordable. En une heure et demie de marche environ je suis à destination. Les secteurs alentours semblent bon et le campement est monté sur un petit lac ou je vois déjà des gobages. Plein de confiance, j’entame la pêche sur le lac et la rivière qui l’alimente.
Le lac me donnera une truite et la rivière rien du tout. Elle est pourtant comprise entre deux lacs, ce qui assure d’ordinaire, la présence habituelle de truites. Le lac duquel coule cette rivière est autrement plus grand et rassemble toutes les caractéristiques d’un lac alpin avec une eau bleu tirant sur le marine, des profondeurs importantes, une très belle enceinte de montagnes que recouvre une belle toison de sapins. L’endroit est magnifique.
Un tour complet de ce lac et d’une partie de ces affluents ne donnera rien de plus. J’ai bien vu quelques poissons dans le lac suivre mes leurres mais ils sont restés lèvres closes. La journée sera sauvée lorsqu’en rentrant sur le camp, le petit lac me donnera quatre autres truites en utilisant une technique peu commune : le popper. Bien que je n’aie pas de ces leurres à Black-Bass dans ma panoplie de pêcheur à la mouche, il se trouve que mes mouches en poil de chevreuil, proprement graissées ont une action très semblable. En effet, le popper tient son nom du son que fait la mouche lorsqu’elle est animée, un genre de « pop ». Le but étant d’attirer l’attention des agressifs black-bass afin de provoquer l’attaque. Mes mouches ont cette particularité lorsque je les anime à la façon d’un streamer et cela fait réagir les truites, le truc est noté.
Le dimanche soir au camp tout en mangeant mon risotto déshydraté que je trouve mauvais, je prends la décision de redescendre. Malgré sa beauté, le lac principal est très difficile et ses affluents ne sont pas bons. Je comptais beaucoup sur ces affluents afin de pêcher quelques belles truites mais cela semble compromis. La seule rivière intéressante à pêcher reste celle qui est alimentée par ces lacs et se jette dans le Fjord, tout auprès du parking. Il me semble donc d’une idée raisonnable de redescendre et de pêcher cette rivière en partant du parking où se trouve ma voiture.
Dans la soirée, les doutes m’envahissent. Ai-je choisi la bonne destination ? Les rivières semblent vides et les lacs difficiles. La Norvège abrite un des cheptels de truites important, mais cette ressource a aussi ces limites.
quelques truites mais les doutes sont bien là.
Le lendemain matin suivant, comme prévu, sur la remontée de la rivière c’est une quinzaine de truites que j’aurais le plaisir de prendre en sèche, à la faveur d’un temps toujours très chaud et ensoleillé. Les rivières à proximité des embouchures de Fjords sont habituellement bien peuplées. En revanche, comme souvent en Norvège, ces ruisseaux sont plutôt des pépinières et les truites y restent relativement modestes. Ainsi sur cette remontée, la plus grosse prise fait 26cm ce qui est honorable mais bien petit par rapport aux monstres que peuplent les grands lacs.
L’après-midi, ma décision est prise d’aller tenter sur l’une des plus grosses rivières le saumon. La rivière est assez forte et large. Les courants y sont puissants. Ce n’est pas le profil habituel des rivières que je pêche mais je tente ma chance avec mes streamers maison.
Dans la chaleur de l’après-midi, la redescente de la rivière avec ses différents rapides est une bénédiction. La fraîcheur que génère cette eau fraiche issue de la fonte des neiges en étant si violement précipitée est véritablement salutaire. Si l’endroit est agréable, les poissons ne semblent pas encore présents. Mes streamers fonctionnent sur les quelques truites qu’abrite le lieu, mais aucun saumon ne semble être présent. Il est vrai que c’est un peu tôt dans la saison pour le Nord de la Norvège et apparemment, ils n’ont pas encore entamé leur montaison.
la pêche au Saumon n'est pas des plus compliquée mais encore faut-il que ces derniers soient dans les parages.
En ce soir de lundi, après avoir épuisé déjà en grande partie les ressources proposées par Fauske, il ne me restait qu’a m’orienter vers la deuxième partie de mon séjour, la région de Misvaer. La route est relativement longue, bien qu’assez courte, elle me donne l’occasion de réfléchir à la suite. Le camp est monté provisoirement sur la rivière principale arrosant Misvaer. Cette rivière est aussi un lieu de pêche au saumon. La soirée passée auprès ne laisse que peu de doute sur leur absence. Mon parti est donc pris de monter dans le Salten environnant pour pêcher la truite uniquement. L’endroit est choisi et j’y fonde mes espoirs de belle pêche. Il me reste quatre jours de pêche.
Deuxième partie.
Mardi matin, la route est prise pour le lieu choisi : un lac, relativement grand qui me servira de camp de base. La montée est facilitée par un chemin facile et il ne me faut que 45 minutes de marche pour trouver l'endroit. Pour plus de confort, je me suis taillé un T-shirt dans l’un de mes hauts thermiques, le résultat est fort laid mais d’un confort appréciable. Je me refuse à me tailler un short car les insectes sont très présents et hyperactifs par cette chaleur. Les taons sont particulièrement virulents. Une fois sur place le campement est monté :
Le campement est situé à quelques mètres de l’arrivée principale d’eau du lac qui offre une vue splendide sur les alentours.
Le reste de la journée sera consacrée à deux objectifs, l’ascension d’un des affluents du lac et la descente de son principal effluent qui peut héberger des saumons et des truites de mer. Dans le premier, hormis à sa jonction avec le lac, rien de bien significatif ce que j’interprète comme un mauvais signe. Dans le second, il y a bien quelques truites mais les saumons et les truites de mer sont absentes. En rentrant au camp, une pêche à la cuiller sur le lac me permet de mettre au sec quelques truites dont une magnifique truite de 39cm :
Comme je le pensais, les lacs sont un peu plus poissonneux et offrent de plus grands poissons. Ce n’est pas vraiment ce que je suis venu chercher mais cela pourrait être une solution de repli. En attendant, le secteur me plait par son aspect assez sauvage et loin de tout.
Le jour suivant, la décision était prise de remonter l’affluent principal du grand lac qui enchaine une succession de lacs moindres et qui semble prometteur. Le décor a changé avec l’arrivée de la pluie et d’un froid assez marqué. Quel contraste entre les jours précédents ! Les nuages sont au niveau des montagnes environnantes et plongent les lieux dans le silence et la brume.
Le temps n’est pas idéal mais et c'est une poignée de truites seulement qui seront prises sur la matinée et uniquement dans un élargissement de la rivière qui la voit se séparer en deux et presque uniquement à la cuiller. L’exploration de sa branche sud ne donne rien de bien probant. Je n’y vois pas de poissons, les lacs ne produisent pas ou peu.
Lors de ma pause déjeuner, je décide alors de faire un tour complet et de redescendre par l’autre branche nord de la rivière. Elle est alimentée par des lacs assez grands et peut représenter une belle piste. Le temps commence à sensiblement s’améliorer, la pluie et la brume du matin ont laissé place à un ciel gris.
Arrivé sur les premiers mètres de la rivière, la différence est flagrante, son bras nord est bien plus large et plus tumultueux. La distance à redescendre est importante. J’en profite pour organiser un match entre streamer et cuiller. A chaque secteur, je commence par pêcher au streamer afin de laisser le plus de chance à cette technique. Une fois le secteur passé au streamer, je le repasse à la cuiller. Le résultat est que la cuiller se montre bien supérieure sur ces portions de rivières. L’explication peut tenir dans la couche d’eau explorée, bien plus mince avec un streamer ou encore dans l’écume qui rend la surface trouble à la vue des truites… Je ne m’explique pas complétement ce phénomène mais je cherche à prendre des poissons et s’ils préfèrent la cuiller, il ne me reste plus qu’à plier ma canne à mouche.
Je stoppe la pêche au tiers de la redescente avec un total de 26 truites dont la plus grosse est de 35cm. C’est un bilan honorable pour une journée qui avait assez mal commencé. J’ai beaucoup marché et pêché environ 10h. Malgré cela, je me suis réservé une bonne partie de la branche nord de la rivière pour le lendemain, qui, selon les prévisions météos devrait être beau.
une journée qui se termine mieux qu'elle avait commencée
En rentrant au camp, le plan se dessine davantage sur les deux derniers jours. Le jeudi pourra se faire à la mouche en pêchant sérieusement la branche nord de la rivière et le vendredi pourra être une journée de repos en faisant le tour du grand lac à la cuiller.
C’est à ce moment que j’aurais la visite de l’un des propriétaires des chalets des environs. Nous échangeons quelques mots, il me donne quelques conseils notamment sur un petit lac que je n’avais pas prévu et qui sera ajouté au planning du vendredi.
Comme convenu le lendemain matin, le soleil est de retour me réveillant à 2h00 du matin alors qu’il perce la couche nuageuse. Je prolonge le sommeil jusqu’à 8h00 et après mes céréales et un café je pars pour les gorges de cette branche nord.
Le secteur est vraiment bon, en utilisant mon ersatz de popper, j’arrive à prendre tout de suite des poissons. Je poursuis ma remontée, alternant, mouche sèche et nymphe pour les parties les plus creuses. J’estime la longueur du parcours à 2 km environ. Pourtant, étant donné qu’il s’agit de gorges, et que j’ai décidé de le pêcher consciencieusement, cette remonté me prendra presque toute la journée. C’est certes un temps considérable pour une si faible distance mais les truites répondent bien et c’est une soixantaine de poissons qui seront pris sur le parcours. C’est une excellente journée !
une excellente journée, sous le soleil avec des truites, de la fraicheur et des mouches sèches
Je retourne au camp satisfait de mon choix. Le secteur est relativement petit et enclavé mais offre de très nombreuses possibilités dont je suis bien sûr de n’avoir pas tout exploité. J’en profite pour terminer mon roman du moment, la tempête de René Barjavel. C’est un auteur que j’ai découvert sur le tard mais dont j’apprécie vraiment les romans.
Le plan sera suivi et pour le jour suivant, vendredi et dernier jour de pêche complet, j’entame le tour du lac en y adjoignant le lac conseillé par le propriétaire du chalet. Le soleil est encore au beau fixe et c’est une pêche agréable qui se profile devant moi. La remontée vers le petit lac est assez difficile mais sera fort intéressante. La rivière reliant le grand et le petit lac est dépourvue de poisson, c’est l’un des affluents déjà essayé précédemment, mais le lac contient du poisson. Cela recoupe les informations données par le propriétaire du chalet qui m’a expliqué que certaines rivières ne comportaient pas de poissons à cause de la neige et de la glace en hiver qui limite son cours à son minimum et empêche la survie des poissons. Ici cela se confirme sur toute la partie en aval du lac mais pas dans sa partie amont qui contient des truites. Une raison de plus pour persévérer. Cette journée se poursuivra tranquillement sur le grand lac qui me donnera un bon nombre de poissons dont la moyenne grandit aussi. J’aurais même la chance, en fin de partie de pêche de toucher une belle truite du lac de 42cm :
la plus grosse truite de cette sortie
C’est le dernier soir au campement du grand lac et je commence à dresser le bilan de la sortie. La pêche a été bonne, avec un nombre important de truites dont quelques belles. C’est assez semblable à ce que j’ai pu vivre dans le Hardangerrvida il y a 3 ans. Les lacs restent une valeur sûre de la Norvège pour qui sait bien pêcher au leurre. Il me semble même que des pêches de très gros poissons sont possibles.
Cette année, aucun incident n’est à signaler. Mon organisation est pourtant la même que les fois précédentes. Les conditions étaient optimales, les lieux plus faciles d’accès et le climat clément.
La Norvège reste un pays d’une grande beauté naturelle et c’est ce qui m’a de nouveau frappé. Le nombre de ses lieux cachés, révélés aux seuls yeux des pêcheurs, chasseurs est incalculable. Afin de vous en donner un aperçu, j’ai sélectionné quelques-uns des plus beaux endroits que j’ai pu voir ci-dessous :
choisir parmi ces endroits plus magnifiques les uns que les autres n'est pas aisé.
Le retour se fait sans encombre vers la ville pour la dernière nuit. La dernière matinée sera utilisée pour aller prendre les toutes dernières truite portant le nombre total à plus de 150 poissons.
C’est encore une fois avec un esprit apaisé que je rentre de cette immersion dans la nature faite des plaisirs simples de la pêche, de la marche et de la lecture. Je m’estime très chanceux de pouvoir vivre ces aventures mais déjà je commence à songer aux prochaines étapes. D’abord il y aura l’ouest Canadien, pour un voyage en famille, qui n’a jamais vu mes mouches voleter au-dessus des rivières et je compte bien corriger cela. Le prochain voyage pêche est quant à lui plus incertain mais se fera dans le courant de 2023 sans aucun doute.