Si le voyage est un thème qui m’est cher, c’est sans doute qu’enfant, c’était un luxe inconnu. J’allais ça et là pour pêcher, voir les quelques copains que j’avais, aussi loin que mes jambes pouvait entraîner mon Peugeot : un vélo bien sûr, pas l’une de ces pétaradantes 103 qui faisaient fureur au temps des bistrots et des loubards que Renaud chantait avec tant de justesse à cette même époque. 

Autrement dit, je n’allais pas bien loin, musette sur l’épaule, celle offerte par le “Papy canne” du quartier, aussi vieille que lui et que je trouvais ringarde ! C’était déjà l’aventure que de partir la journée avec un sandwich préparé le matin même avec ce qu’on trouvait... 

 

Et si j’aime à vous dévoiler des contrées inconnues, des lieux exotiques ou encore lointains, je me propose de vous emmener aujourd’hui plus loin que jamais mes tribulations ne sauraient vous guider : dans le passé. 

 

Le passé, est-ce loin ? A cette question quasi quantique, tentant de réconcilier le temps et la distance, j’ai une réponse de Normand (6 ans dans cette magnifique région m’ont bien sûr laissé quelques traces) : 

  • Dans ma mémoire parfois bien vivace, ce n’est qu’un saut de puce, quelques microvolts d’une connexion synaptique et me voilà sur les bords des rivières dans un passé certes brumeux mais bien réel. Les images se cascadent se mêlant aux bruits emportant impétueusement les sentiments de l’époque. Nous parlons cependant de revenir 25 ans en arrière. 
  • Dans mon cas, et plus prosaïquement, c’est à peine à 100 km de la maison.

 

Je me suis fais une sorte de devoir de revisiter les endroits qui me connurent enfant afin de les confronter à mes yeux d’homme. En l’espèce, je voulais revisiter les lieux qui me firent définitivement préférer les eaux vives aux eaux stagnantes. C’est dans le nord de l’Indre et Loire que je me rends, dans la vallée de la Brenne. Ce n’est pas la Loue, la Spey ou la Big Black Foot ou la Glomma, mais comme le chantait Brassens “ mon prince, on a les dames du temps jadis qu’on peut

Ici les affluents s’appellent la Cendrine, le Rondy, la Glaise... tant de noms qui rappellent à ma mémoire de joyeux moments soigneusement préparés depuis l’appartement que nous habitions alors à Château-Renault. 

 

Il me faut aussi tester et peaufiner une approche différente, dans un environnement proche et sans risque avant de l’appliquer à de plus vastes étendues. Restez connectés, cette partie là ne saurait tarder. 

musée de la Tannerie à Château-Renault.

musée de la Tannerie à Château-Renault.

J'arrive à Château-Renault à la mi-journée. J'en profite pour me rendre au bord de la Brenne qui serpente en ville et qui prend des allures de rivières à Truite. Autrefois, il y avait deux barrages dans la ville qui n'avaient aucune autre utilité que d'assurer un débit constant à la rivière. Ces deux barrages démontés, la rivière a repris son cours. 

C'est étrange pour moi qui connut la rivière dans une configuration parfaitement différente de la voir regagner son caractère sauvage. La végétation autour s'est aussi faite bien plus dense. Le centre de la ville s'est quant à lui bétonné d'avantage. C'est le paradoxe de l'époque actuelle ou l'on construit toujours plus tout en laissant les rivières à leur sort. 

Bien vite, l'envie d'en découdre avec les poissons de cette rivière de mon enfance se fait sentir. Je monte en vitesse une canne à mouche car j'ai repéré des groupes de chevesnes depuis les ponts. Arrivé sur place, je constate que la population de chevesnes est très importante. Les plus gros avoisinent les 3kg. 

Je suis avant tout frappé par l'aspect de la rivière. Dans mes souvenirs, l'eau était bien plus claire. Bien qu'en niveau d'étiage l'eau de la rivière reste mâchée. C'est toutefois parfaitement pêchable en sèche. 

Si les conditions sont bonnes, les poissons m'ont l'air parfaitement éduqués aux mouches et autres leurres de surface... Ils se montrent extrêmement méfiants. Le premier poisson qui répondra positivement à mes imitations est une truite fario d'une trentaine de centimètres. J'en reste surpris car si dans cette portion de rivière en 2ème catégorie, j'y ai déjà fait des truites, une si belle prise en pleine ville est une première pour moi. Même 25 ans après, cette rivière continue de me surprendre. Je n'ai pas eu le temps de la prendre en photo, elle s'est fait la belle avant que je puisse saisir mon téléphone. 

Ce sera la seule truite de cette sortie. Elle n'est que très peu pourvue en truite même dans sa partie amont en 1ère catégorie. 

C'est plutôt l'empire des meuniers qui se partagent la rivière avec les chabots et quelques rares truites : 

chevesne de taille moyenne, les plus gros atteignant les 3 kg.

chevesne de taille moyenne, les plus gros atteignant les 3 kg.

la ville passée, j'arrive à Neuville Sur Brenne. C'est à partir de cet endroit que les plus grands parcours en 1ère catégorie se trouvent. 

Toujours canne à la mouche en main, j'arpente la rivière de mon enfance, sans grand succès je dois bien l'avouer. La rivière a bien changé mais reste la même dans ses aspects piscicoles. 

voyage lointain

La rivière semble boueuse, trouble et envasée. Il est frappant de voir que les berges sont relativement bien entretenues et que son profil n'a que peu changé. Je reconnais ça et là quelques coins spécifiques sur lesquels j'avais jadis passé du temps ou pris des poissons dont le souvenir me revient. 

Je prends quelques chevesnes supplémentaires. Ils sont bien moins éduqués qu'en ville et sont parfaitement innocents de ce qu'est une mouche artificielle. Seuls les trous les plus importants en abritent et ils sont de taille bien inférieure à ceux rencontrés plus bas. Les courants plus vifs parsemés de pierres semblent déserts. Je vois bien parfois une truitelle en aval de son poste qui fuit en me voyant arriver. C'est comme dans mon souvenir. Je revois parfaitement cette rivière que je parcourus cent fois avec invariablement la même conclusion, la quasi absence de truites. 

Mes vieux compères, que j'appris à pêcher lors de mes jeunes années à la surprise ! ils sont toujours là et se laissent toujours surprendre par un appât en surface correctement présenté.
Mes vieux compères, que j'appris à pêcher lors de mes jeunes années à la surprise ! ils sont toujours là et se laissent toujours surprendre par un appât en surface correctement présenté.
Mes vieux compères, que j'appris à pêcher lors de mes jeunes années à la surprise ! ils sont toujours là et se laissent toujours surprendre par un appât en surface correctement présenté.

Mes vieux compères, que j'appris à pêcher lors de mes jeunes années à la surprise ! ils sont toujours là et se laissent toujours surprendre par un appât en surface correctement présenté.

La rivière est souvent pêchée si l'on en croit les nombreuses trouées dans les arbres bordant la rivière. C'est sûrement la raison pour laquelle la rivière est si pauvre. Déjà lorsque j'étais plus jeune, c'était un phénomène assez marqué. La pression de pêche est assez importante et la rivière n'est plus productive. Sans un apport régulier en truite ou une rénovation en profondeur de la rivière, la situation ne s'améliorera pas. Je finirais le parcours à la cuiller avec mon ultra-léger. La moisson est autrement plus conséquente avec un nombre important de perchettes qui se laissent tenter par mes leurres. 

les petites perches de la Brenne ayant pour caractéristique une petite taille et des nageoires d'un rouge bien vif.
les petites perches de la Brenne ayant pour caractéristique une petite taille et des nageoires d'un rouge bien vif.

les petites perches de la Brenne ayant pour caractéristique une petite taille et des nageoires d'un rouge bien vif.

L'après midi défile sous mes pas qui remontent la rivière et le fil du temps. Il me faut désormais rentrer. C'est un sentiment fort qui m'étreint alors de nostalgie de ces années de ma jeunesse. Je repense à ces moments passés sur cette même rivière alors que je passe le pont ferroviaire d'Authon. Je passe en revue ces moments passés seul ou avec mon vieux compère de l'époque : Teddy. Nous fîmes littéralement les quatre cents coups tous les deux. Les quatre cents coups de pêche naturellement.  La vie a vu nos chemins se séparer mais j'ai une pensée émue à l'évocation de ce vieux copain. 

Je rentre le sourire aux lèvres d'avoir pu connaitre une enfance aussi riche, car si l'on se fie aux critères froids d'une vie basée sur la réussite matérielle et intellectuelle, nous n'étions pas les plus pourvus. On craignait les abysses pour un gosse tel que moi, issu des basses couches, qui semblait un peu à l'écart, comme déconnecté du monde. J'étais heureux, et le suis toujours. Car s'il est des richesses autres que matérielles et intellectuelles, celle que j'apprécie entre toutes est la propension au bonheur. J'ai le sentiment d'en avoir toujours été pourvu en quantité. Quant à en trouver les raisons profondes, si j'arrive à les identifier, pour sûr que je les partagerais ! 

Merci de m'avoir lu

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