Les vacances ! Ce mot résonne dans ma tête avec un certain accent de nostalgie. L'origine du mot vient des tribunaux dont l'absence de magistrat était qualifiée de vacance. Par extension, c'est devenu la traditionnelle trêve estivale pour le travailleur. Elle coïncide avec les beaux jours et coupe une première partie d'année déjà passée de moitié. 

J'ai toujours aimé les vacances d'été pour être habituellement les plus longues. Dans ma jeunesse, l'école n'était pas à mon goût et lorsque sonnait la cloche sur le dernier jour de l'année c'est avec un entrain extraordinaire que je pouvais enfin m'adonner aux plaisirs d'une vie au grand air, qui semblait m'être destinée. 

Bien sûr je pêchais, presque tous les jours, tentant toutes les techniques et tous les poissons possibles qui se trouvaient à une portée raisonnable. Quelle période incroyable c'était alors, avec le peu de moyens dont je disposais, je prenais tout de même des poissons, dans les étangs, les lacs, les rivières. Aucune pêche qui ne mérite un pamphlet, aucun poisson trophée mais les simples plaisirs de l'enfance de l'art, sans éclat mais d'une ardeur sans égale. 

La période estivale a toujours été pour moi, un moment idéal pour la pêche. La nature est à l'apogée de son abondance, le temps est clément, la vie triomphe d'un hiver et de ses rigueurs, même l'homme semble enfin trouver dans la nature un espace accueillant. 

C'est donc tout naturellement que lors de mes vacances d'été, plusieurs cannes prennent leur juste place dans ma valise, en quelque endroit que ce fût. Bien souvent, les pêches ainsi réalisées ne sont pas dignes d'êtres contées. Elles se trouvent en aparté d'aventures bien plus grandioses et ne sont qu'un passe temps. Ceux qui ont l'habitude de me lire trouveront pourtant, ça et là quelques bribes de mes vacances familiales desquelles j'ai pu extraire quelques heures pour la pêche qui furent mémorables. 

Cette année, les vacances familiales nous amènent au Canada, dans sa partie ouest. C'est un endroit que nous connaissons déjà pour nous y être rendus lors de l'hiver 2019. L'hiver dans ces paysages, c'est l'empire du froid. J'y ai connus les températures les plus basses qu'il m'ait été donné de vivre, bien plus basses que votre congélateur; de ces froids qui vous pénètrent profondément à chaque bouffée d'air et vous signalent par ce picotement caractéristique dans vos poumons que la lutte tournerait vite à son avantage. 

En été, le paysage parait bien plus hospitalier: 

L'ouest canadien offre les paysages parmi les plus grandiose de la terre, rien de moins.
L'ouest canadien offre les paysages parmi les plus grandiose de la terre, rien de moins.
L'ouest canadien offre les paysages parmi les plus grandiose de la terre, rien de moins.
L'ouest canadien offre les paysages parmi les plus grandiose de la terre, rien de moins.

L'ouest canadien offre les paysages parmi les plus grandiose de la terre, rien de moins.

Mais qu'on ne s'y trompe guère, la nature ici est demeurée hostile à l'homme. Bien sûr la civilisation continue son inéxorable marche vers l'anéantissement des espaces sauvage mais ici, elle prend son temps. Non que les moyens manquent, mais la tâche est si rude, le territoire si vaste et l'intérêt si faible que la nature gagne encore dans ces contrées. 

100 miles house :

C'est auprès de cette petite ville située sur la route de la ruée vers l'or canadienne que nous faisons notre première véritable halte. Les premiers jours ont été passés sur la route, sur les traces réelles des dinosaures que notre fille aime tant. 

Nous avons une semaine à passer dans un chalet près d'un lac. Les vacances en famille doivent privilégier la famille et bien que l'envie de pêcher soit assez forte, elle ne doit pas primer sur le reste. 

Une première matinée complète se profile sur la Canim river qui alimente le Mahood lake en provenance du Canim lake. 

Cette rivière large semble propice à la pêche à la mouche et c'est ainsi que je l'aborde: 

Vacances 2022

Très rapidement, deux conclusions s'imposent à moi. La première est que l'eau est relativement chaude, aux alentours des 25°C, ce qui la rend peu propice à l'essor des salmonidés. La seconde est le manque d'accès à la rivière. Hormis sur l'unique pont qui la traverse, le chemin doit se faire par le lit de la rivière qui est assez creux par endroits. 

La pêche est difficile et la mouche sèche ne donne pratiquement rien, seuls quelques gobages timides lorsque j'arrive à approcher un poste sans avoir à lutter trop difficilement contre la nature. Je les rate pour la plupart. La végétation se fait dense et je commence à craindre la rencontre avec des habitants de la forêt. Des traces fraiches ne laissent aucun doute sur la présence de cerfs mais ce ne sont pas ces inoffensifs cervidés qui m'inspirent une crainte sourde, c'est plutôt leurs prédateurs naturels, ours bruns et grizzly, qui sont à redouter. 

Au coeur de cette nature qui redevient vierge, je suis tombé sur d'anciens chalets : 

 

Ces chalets semblent anciens, mais qui pourrait dire s'il s'agit de ceux des chercheurs d'or ou bien de chalets de loisirs abandonnés?

Ces chalets semblent anciens, mais qui pourrait dire s'il s'agit de ceux des chercheurs d'or ou bien de chalets de loisirs abandonnés?

Après une matinée de prospection, c'est seulement quelques whitefish, sauve-bredouille de la région qui seront mes uniques compagnons. Pour ma plus grande satisfaction, aucune rencontre malencontreuse n'est à déplorer sur ces berges. Sans doute que les plantigrades préfèrent leur rivière poissonneuse. 

le whitefish qui ressemble un peu au barbeau colonise les lacs et les rivières.

le whitefish qui ressemble un peu au barbeau colonise les lacs et les rivières.

La région est surtout connue pour ces lacs qui bordent la "fishing highway", la route 24, qui part de Little Fort pour rejoindre 93 miles house (7 miles au sud de 100 miles house comme son nom l'indique). Les lacs des alentours renferment quelques unes des plus grosses truites arc-en-ciel du monde. Les photos dans le magasin de pêche local ne trompent pas. Cela étant, sans bateau, la pêche est hasardeuse sur ces lacs faisant plusieurs dizaines de milliers d'hectares dont la profondeur peut dépasser les 500 mètres. 

Les creeks (traduisez ruisseau) ne manquent cependant pas et pourraient être à la hauteur du pêcheur exilé, manquant de temps, que je suis. Dès le lendemain, je décide tenter ma chance sur l'un d'eux :

C'est un creek qui alimente le Canim Lake et qui se situe à une vingtaine de km du chalet

C'est un creek qui alimente le Canim Lake et qui se situe à une vingtaine de km du chalet

La pêche dans ces creeks est d'une autre sorte. En effet, l'eau y est plus fraiche, les poissons présents et ils gobent volontiers. On y retrouve une quantité importante de truites arc-en-ciel et fardées mais de petite taille 

Une magnifique truite fardée

Une magnifique truite fardée

Les truites majoritaires sont des arcs et aussi des cutthroat (truites fardées) qui pullulent littéralement. Après une petite soirée de pêche, je pense compter plus de truites que de piqûres de moustiques. Les truites, bien qu'en pleine santé, n'en restent pas moins de taille modeste. 

Les creeks semblent être la solution mais le temps manque pour les explorer de manière convenable. C'est vers la prochaine étape qu'il faut desormais nous orienter: l'île de Vancouver. 

 

L'île de Vancouver : 

C'est une journée complète de route qui est nécessaire pour rallier l'île de Vancouver dont deux heures de ferry entre le continent et l'île. C'est une île grande comme quatre fois la Corse avec des lacs, des montagnes et des rivières, à l'image du continent tout proche. L'influence océanique se fait sentir et une ville comme Victoria, capitale de toute la Colombie Britannique, est réputé doux et très agréable en été. 

C'est un endroit idéal pour des vacances familiales. Les plages y sont splendides, bien que l'eau y soit froide. Les montagnes propices aux activités d'hiver et d'été. C'est un endroit très agréable et les insulaires le revendiquent assez fièrement. 

Pour la partie pêche, c'est une destination de choix. Les saumons sont les rois ici bien que leur pêche obéisse à un règlement assez strict. En effet, les eaux habituelles à saumon sont des "classified waters" pour lesquelles il faut réserver sa carte en avance ou bien passer par un guide. Le nombre des permis est limité et je n'aurai pas de possibilités de les tenter pour ces vacances. C'est partie remise en ce qui me concerne car si je suis sensible à la beauté des rivières en général, j'ai trouvé par ici quelques uns des plus éminents exemples de beauté vénusienne. 

la rivière ci-dessus n'a même pas de nom, elle alimente le lac Kennedy

la rivière ci-dessus n'a même pas de nom, elle alimente le lac Kennedy

Les pêches de première semaine n'ayant pas été concluantes, je ne me pressais pas pour pêcher l'île, malgré ses magnifiques rivières. Après tout, la pêche n'est bien souvent qu'un bonus pendant les vacances familiales. Mais voilà le fameux virus de la pêche pour lequel on ne connait pas de vaccin, occasionne des rechutes.  

L'avant veille du départ, je me décidais à me lever plus tôt pour aller tenter une rivière toute proche, reconnue à vélo. Depuis le pont où je surplombais l'eau, j'avais vu gober une magnifique truite. 

 

l'oyster river est assez large et relativement peu creuse

l'oyster river est assez large et relativement peu creuse

La rivière est belle et se prête bien à une pêche en sèche. Cependant, cette rivière, où la reproduction est assez intense, recèle un nombre très important de truitelles, des arcs pour la plupart. Elles envahissent littéralement les lieux. 

Afin de sélectionner je me décide à ressortir une technique éprouvée : le streamer. 

Ma nouvelle canne en soie 6 de 9 pieds fait merveille sur ces types de pêche en streamer moyen. Elle est un peu lourde pour pêcher en sèche mais la polyvalence se fait sur la pêche la plus exigeante. Cette acquisition récente risque de voir du pays, associée à un moulinet à cassette, elle est un véritable couteau suisse. 

Les truites s'enchainent mais restent modestes sur cette portion de rivière peu profonde. 

Sur la fin de matinée, les postes un peu plus creux permettent de voir quelques truites plus grosses

Sur la fin de matinée, les postes un peu plus creux permettent de voir quelques truites plus grosses

Dans les derniers postes dont la profondeur s'accroît, les truites deviennent plus grosses. Je finirai ainsi la matinée par une truite prise sur les coups de midi qui avoisine les 30cm 

La plus grosse truite de la matinée qui tranche assez nettement avec les truitelles prises en sèche.

La plus grosse truite de la matinée qui tranche assez nettement avec les truitelles prises en sèche.

Il est temps de rentrer au chalet pour préparer notre dernière journée sur l'île. 

Il m'est accordé une demi journée supplémentaire de pêche pour notre dernier jour sur l'île. En me levant plus tôt qu'à l'accoutumée, je me rends sur la même rivière, mais plus en amont. Mon espoir est de trouver des profondeurs un peu plus importantes afin de trouver des truites un peu plus grosses. Mon premier espoir est vite comblé car en arrivant sur la rivière à l'endroit prévu, je me retrouve dans un vallon assez encaissé dans lequel la rivière s'est frayé un chemin 

pour la partie profondeur, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a en a. La profondeur maximale sur cette portion doit bien atteindre les 3 mètres

pour la partie profondeur, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a en a. La profondeur maximale sur cette portion doit bien atteindre les 3 mètres

Quel endroit incroyable ! C'est l'un de ces endroits, réservés aux seuls initiés, absents de tous les guides mais qui valent à eux seul tout un voyage. 

J'ai déjà vu semblable gruyère géologique dans les Alpes mais au-dessus d'un parcours balisé, tarifé, expliqué, sécurisé, hors de portée, bref la septième merveille du monde savoyard. Au Canada, c'est en accès libre pour qui a la curiosité d'aller voir. 

L'endroit n'en reste pas moins féerique et impose une certaine forme de solennité à laquelle je ne dérogerai pas. Pour solennel qu'il soit, l'endroit se pêche aussi et c'est avec mon streamer de la veille que les hostilités commencent.  

Les touches s'enchaînent et je rate un nombre important de poissons que je qualifierais de taille moyenne. 

J'arrive toutefois à prendre des truites arc-en-ciel, toutes sauvages, dans les trous les plus ignorés. La pêche est pratiquée ici, ça ne fait aucun doute. Cela étant, je sais les nord-américains en général peu à l'aise en streamer, et c'est ce qui me fait sortir mon épingle du jeu. Les postes sont assez marqués et magnifiques :

Vacances 2022
Vacances 2022

C'est à l'abord de l'un de ces postes typiques que j'eu la surprise de piquer quelque chose de lourd ! Dès le ferrage, j'ai senti que je n'avais pas affaire à un poisson intermédiaire. Un poisson de petite taille se laisse facilement entraîner par un ferrage ample, mais pas un gros poisson qui offre une résistance de pierre. 

J'engage un combat lourd et puissant avec un poisson dont j'ignore tout. Comme de coutume, les questions se bousculent quant au poisson lui-même et à sa taille. La seule indication du pêcheur à ce moment est la résistance offerte. Je manque tout à fait d'expérience sur une bonne partie des poissons des eaux tels que steel head et saumon. Mon esprit laisse aller les hypothèse en regardant la courbure de la canne : 

J'assure un combat en douceur pour éviter tout risque de décroche, fréquente en streamer

J'assure un combat en douceur pour éviter tout risque de décroche, fréquente en streamer

Après quelques minutes d'un combat tourné vers la remontée de la rivière, j'aperçois enfin les flancs clairs du poisson qui semble être une belle arc-en-ciel. 

Cela se confirmera au moment de la glisser dans l'épuisette. Une rapide mesure prise à 39cm pour cette magnifique arc sauvage : 

une bien belle capture !

une bien belle capture !

Comme je sais que mes photos de poissons pris en main ne reflètent pas toujours leur taille, je multiplie les prises et cette dernière montre mieux l'échelle. Une bien belle truite en pleine santé : 

Vacances 2022

Ma matinée peut être qualifiée de réussite. La descente se poursuivit dans l'espoir d'égaler ou de dépasser ce poisson magnifique mais en vain. Les secteurs ne manquaient pas mais les poissons de cette taille ne semblent pas monnaie courante. 

Gamin, je pêchais ces truites, issues de pisciculture pour me faire la main. Il y avait une forme de mépris pour ces poissons considérés inférieurs et bien involontairement, je contribuais à cela. Aujourd'hui je mesure l'étendue de mon erreur. Les truites arc-en-ciel sont de formidables poissons et ces pauvres truites de pisciculture, aux nageoires atrophiées, aux panses exagérément gonflées, à la couleur pâle, ne m'inspirent plus de mépris mais de la pitié quand on sait leur origine.

En remontant la rivière, je me prends à penser des vacances de pêche dans la région. 

Cette ombre familière se rencontrera peut-être de nouveau sur les rivières de Colombie Britannique

Cette ombre familière se rencontrera peut-être de nouveau sur les rivières de Colombie Britannique

En rangeant méticuleusement mon matériel à bord du Ram pour le loger dans la valise, c'est un sentiment positif qui m'envahit. Les vacances ont été une réussite à tous les plans. Nous rentrons reposés, malgré les 6000km parcourus, envahi d'un sentiment de plénitude, de belles images plein la tête. Pour ma part, j'ai acquis une forme de conviction, qui se renforce avec les années que si un endroit du monde est fait pour moi, il se situe quelque part dans les montagnes nord-américaines. 

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