L’aventure. C’est un peu la dominante des écrits précédents de ce blog. Ils ont pour point commun, de situer l’action à des milliers de kilomètres de chez moi. Il est vrai que se lancer dans l’inconnu, loin de chez soi est un thème récurrent du voyage. Ces voyages sont une passion que je partage avec la pêche. Lorsque je conjugue ces deux passions, j’atteins une sorte  d’alignement des planètes : une apogée. 

Est-ce à dire pour autant que je renie la beauté du coin de la rue? Que les charmes de nos campagnes n’ont pas de prise sur moi? Que les truites de nos terroirs ne sont que mépris à mes yeux ayant vu du pays ? Non, mille fois non ! 
S’il est vrai que mon regard s’est déjà posé sur de nombreux attraits du vaste monde, je n’ignore ni ne suis insensible aux charmes de nos beautés locales. 

C’est en Morvan que je vous emmène. Ici, c’est une histoire humaine plusieurs fois millénaire et un pays antédiluvien qui nous sert de décor. Le Mont Beuvray et ses contreforts sont d’une richesse culturelle foisonnante dans un écrin de nature préservée. En tendant l'oreille, on pourrait presque, sous les ramures d'un chêne séculaire, entendre les pas lourds des cohortes Romaines qui après leur masses d'armes laissaient un pays profondément transformé et modernisé. Les voies romaines sont d'ailleurs toujours présentes et il est possible de les retrouver ça et là. Les contingences des visites familiales étant ce qu’elles sont, ce sont des escapades de quelques heures seulement qui me sont permises dans ces lieux enchanteurs. 

La zone de rivière qui retient tout mon intérêt est encaissée de gorges. L’accès est difficile ce qui a le double avantage de limiter le nombre de pêcheurs et d’embellir significativement le cours de la rivière. 
Pour ce premier jour de pêche je m’arrête sur le parking à l’entrée du chemin qui conduit aux gorges. C’est une marche d’environ 1,5km qu’il faut entreprendre avant d’arriver au pied de celles-ci. Je décide de flâner un peu le long du cours de la rivière dans sa partie proche du parking et qui se montre moins tumultueuse dans cette portion de plaine. Les eaux sont limpides et fraîches ce qui n’a rien d’un défaut par ces temps de chaleurs caniculaires. La plaine est verdoyante et fleurie dans ses plus beaux atours du mois de Juin.

Escapades en Morvan

C’est bien sûr une pêche à la mouche que je vais pratiquer à la recherche des Farios qui peuplent cette rivière. Dans ces petits ruisseaux, souvent encombrés c’est ma superfine 7 pieds soie 4 qui fait habituellement son office. Cette canne courte mais relativement puissante me permet de présenter à des truites toutes proches, la mouche de prédilection de ces dames exigeantes. La mouche du jour est un montage très simple en poils de chevreuils flottant relativement haut. 

Escapades en Morvan

Mon expérience des rivières rapides m’a appris que les mouches qui sont assez voyantes prennent d’avantage. Bien souvent ce sont des mouches rudimentaires dont la principale qualité est de flotter suffisamment haut pour supporter les nombreux lancer en rouler imposés par la voute des arbres. Le lancer en rouler est une manière de pouvoir pêcher les endroits très encombrés. A l’aide d’une canne suffisamment souple, on ramène la soie vers soi dans un mouvement lent de manière à former un arc de cercle partant de la canne qui se situe alors à 90° par rapport à la rivière. Il suffit alors d’imprimer un mouvement dans la direction que l’on souhaite atteindre. La soie forme alors une boucle qui roule du pêcheur à la cible jusqu’à étendre la pointe et enfin la mouche. Ce n’est pas le plus discret des lancers et la mouche retombe souvent dans un plouf qui ferait frémir le puriste mais c’est efficace : cela permet de présenter à des truites se pensant à l’abri sa mouche piégée. Avec l’expérience, on arrive à influer sur la taille de la boucle ainsi formée et atteindre des zones que l’on pensait inaccessibles.  

 

Ce genre d’endroit ne se pêche efficacement qu'en lancer roulés

Ce genre d’endroit ne se pêche efficacement qu'en lancer roulés


Revenons à notre histoire, car je vous avais laissé au début du parcours, auprès du parking. Par acquis de conscience, je décide tout de même de démarrer sur cette partie plane. Ce n’est pas ma destination initiale mais la rivière est belle et pour peu qu’elle soit poissonneuse, je pourrais bien y faire ma pêche. Ce sont des pâtures riches et verdoyantes ayant solidifié la tourbe propre à ces régions de moyenne montagne. Les vaches candides vinrent même renifler le drôle d’humain qui parcourt leur table dressée.

Escapades en Morvan

Cette portion de rivière sur laquelle je n’aurais pas misé une thune, car très emprunté s’est révélée bien riche. En effet, c’est presque une dizaine de truites, certes de taille modeste, à qui je laisserai un piquant souvenir. C’est le tribut d’une pêche intensive de certaines de ces rivières à truites. Les pêcheurs les arpentent et prélèvent tout ce qui dépasse la taille légale de capture, laissant ainsi la rivière aux juvéniles. Fort heureusement, ces rivières sont encore fonctionnelles et les truites s’y reproduisent. La conséquence est la quasi absence de truites de bonne taille, mais ça ne m’empêche pas d’apprécier ces rivières car si la taille du poisson a son importance, son milieu et sa bonne santé le sont d’avantage. 

Escapades en Morvan
Escapades en Morvan
Escapades en Morvan
Escapades en Morvan


La richesse et la beauté des lieux sont autant d’attraits qui feront passer comme un éclair les quelques heures que je pus dérober à la vie de tous les jours. Des truites par ici, un ralentissement de la rivière par là, un arbre arraché à grande force de son sol nourricier par ici et voilà que mon temps est écoulé. C’est à contre-coeur que je dois laisser la terre des Gaulois de jadis. Je rentre pour finir la journée avec mes proches dans une guinguette locale. 

Les gorges attendront qu’un peu de temps me soit imparti, ce qui se passera le jour suivant où la météo toujours si propice me permet d’exercer ma passion deux jours durant. 

Les gorges de cette rivière, je les connais pour les avoir déjà parcourues. Elle sont un encaissement de petite rivière typique avec des blocs si énormes qu’ils arrêtent sur leur passage les alluvions et forment une succession de chutes d’eau et de trous d’eau parfois très profonds. 

C’est ma cathédrale païenne de pêcheur, entourée de colonnes incultes de pierres millénaires et qui résonnent de ma passion pour la rivière. L’encaissement est propice à l’isolement et à la réflexion. Seuls les cantiques des eaux tour à tour ruisselantes et fracassantes se font entendre et rythment les aléas de la pensée. Ici nul psaume n’est requis, ni même la parole, c’est un lieu sans mot qui puise son caractère sacré dans ses origines telluriques. Ici tout se fit sans un mot usant des forces naturelles et d’une des richesses les plus précieuses de l’homme actuel : le temps. C’est aussi un have de fraîcheur par temps caniculaire. J’y déambule ainsi au soir d’une journée bien remplie, traquant les truites dans chacune des absides que les eaux creusèrent depuis que le monde est monde. L’eau patiente et déterminée qui vient à bout de toute roche, de toute chose et même des tracas de l’homme moderne que je pense être. De ces lieux, je ne vous montrerai rien, non que les images ne soient belles, mais elles ne sont qu’images lorsque je cherche à faire comprendre une ambiance, un état d’esprit. 

La civilisation me rappela bien trop vite à elle comme à l’accoutumée, mais comme chaque point d’eau est un retour à mes passions, ce n’est qu’un au revoir. Dans chaque eau demeure un espoir, le vain espoir du pêcheur animé par la passion, que chacune d’entre elle abrite un poisson et qu’il saura le nourrir tant par sa chair que pour sa quête spirituelle. 

Merci de m'avoir lu, 

Freddy

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